Muro dit volontiers qu'un peintre peut se comparer à un explorateur préparant une expédition: la destination est connue, l'équipement prêt, ses connaissances sûres, son expérience fiable, mais il sait pourtant qu'il va découvrir un univers inconnu qu'il devra comprendre, auquel il devra s'adapter sans le dénaturer. Ainsi en est-il pour chaque nouvelle peinture dont on approche comme d'un nouveau monde.
Gérard Muro vit et travaille à Toulouse ou plutôt, devrait-on dire, ''vit et voyage'' à Toulouse. Ce voyageur-là, solitaire et peu tapageur, n'ouvre sa palette qu'au silence et à la lumière. Dès les premiers coups de brosse on sent se tendre la voile de toile blanche, glisser le souffle des couleurs simples qui peu à peu font le lit d'une forme toute en puissance.
L'espace maîtrisé, remodelé et les voilà apparues ces lointaines contrées, surgies pourtant d'improbables antipodes; les voilà venues à portée de regard nous révéler leur horizon, leur tumulte d'images inventées, conquises de haute lutte. L'oeuvre, abstraite, se déploie, structurée, rythmée.
Grâce à la force précise de la composition, l'oeil ne peut pas se perdre alors même que l'emportent des mouvements vigoureux et naturels; mouvements de la vie qui s'exprime par l'air, la terre, l'eau et le feu, mouvements du vent, de la matière, de la mer, ou celui, désincarné, d'un simple élan pour s'emparer des cieux, sans autre acteur qu'un signe...
N'a-t-il pas quelque chose d'humain celui-là qui s'appelle justement ''Croque-Ciel''? N'a-t-il rien d'un envol de l'esprit à la recherche de son royaume? Mais alors direz-vous... ce n'est pas abstrait! Peut-être pas. Peut-être est-ce une autre façon de figurer la vie, pudique, qui prend ses distances avec le pathos, une ''idéochromie'' simple et discrète.
