Opus Intermedia

Muro dit volontiers qu'un peintre peut se comparer à un explorateur préparant une expédition: la destination est connue, l'équipement prêt, ses connaissances sûres, son expérience fiable, mais il sait pourtant qu'il va découvrir un univers inconnu qu'il devra comprendre, auquel il devra s'adapter sans le dénaturer. Ainsi en est-il pour chaque nouvelle peinture dont on approche comme d'un nouveau monde.

Au fil des décisions qui amènent l'oeuvre à son terme, le profond sentiment qui réclamait un espace en prend enfin possession. Il se révèle alors, riche de développements et de variations. Il a suscité un rythme, provoqué des mouvements, mis en relation des éléments contraires, causé l'avènement d'un lieu inconnu qui lui répond, l'accueille et lui ressemble.

Le monde de Gérard Muro est structuré, parcouru de lignes reconnaissables, déchirées ou troublées par le lyrisme de longues touches gestuelles: elles participent aux perspectives et soulignent de troubles profondeurs.

Dans sa peinture, la couleur, le noir, le blanc se soutiennent et amènent leurs oppositions jusqu'au secret d'une transmutation où la matière réalise son nécessaire retour à l'esprit et l'esprit sa nécessaire matérialisation. Cette boucle, toujours parcourue, anime l'expression sensible d'un univers originel mystérieusement présent.

Temps gris. Le silence du temps qui échappe et qu'il faut retenir. Temps gris et le silence, à mon image, sous la musique qui parle sans pour autant répondre. Temps gris côtoyant mes couleurs. Temps, silence; tout échappe toujours.

Le clavier du piano, comme un grand escalier dans un château de cartes...poursuit un fol espoir en fuite